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Paul-Émile Botta ou la redécouverte des Assyriens

Visite du pacha de Mossoul aux fouilles de Khorsabad, ancienne Ninive
Félix Thomas
Huile sur toile. H. : 100 cm ; l. : 160 cm
1863
Musée du Louvre (RF 2010 2)
© 2010 GrandPalaisRmn (musée du Louvre) / Stéphane Maréchalle
Dessin du bas-relief n°13, salle VII, palais de Sargon II à Khorsabad
Eugène Flandin
1844
Publié par Paul-Émile Botta dans "Monument de Ninive"
La grande salle du musée assyrien au Louvre, 1862
Bibliothèque nationale de France.
"Monument de Ninive", tome I, Paul-Émile Botta, 1849

Afin de faire contrepoids à l’hégémonie exercée par l’Angleterre en Mésopotamie, le roi Louis-Philippe décide en 1842 de créer une agence consulaire à Mossoul. Médecin de formation, ancien diplomate à Alexandrie, Paul-Emile Botta (1802-1870) est nommé à ce poste la même année ; il est âgé de 40 ans.
Homme familier de l’Orient, il est soutenu notamment par Jules Mohl, l’un des orientalistes les plus renommés de son temps.

Sur les traces de Ninive

Après d’infructueuses explorations entreprises à ses frais sur le tell Kuyunjik, à la recherche de la Ninive biblique, il décide, sur les conseils d’un teinturier chrétien installé dans la région, de se tourner vers le petit village voisin de Khorsabad, situé non loin de Mossoul, où quelques briques inscrites ont été ramassées.
Le 20 mars 1843, Botta met au jour les premiers bas-reliefs du palais de Sargon II, convaincu d’avoir découvert la célèbre capitale assyrienne.
Début avril, il avertit Jules Mohl en ces termes : «… je crois être le premier qui ait découvert des sculptures que l’on puisse, avec quelque apparence, rapporter à l’époque où Ninive était florissante.»

Des vestiges fragiles

Très vite, le chantier de Botta prend de l’ampleur : 300 ouvriers y sont employés.
Dès juin 1843, constatant avec inquiétude la dégradation rapide des vestiges du palais au contact de l’air, le consul-archéologue demande au gouvernement français l’envoi d’un collaborateur « sachant dessiner » ; ce sera Eugène Flandin.
Dès son arrivée à Mossoul, en mai 1844, celui-ci effectue minutieusement les relevés de la quasi-totalité des bas-reliefs du palais de Sargon II.
Botta, de son côté, recopie soigneusement les inscriptions des monuments dégagés.
En octobre 1844, il ferme le chantier.

De Khorsabad à Paris

Reste à expédier les sculptures les plus remarquables vers la France ; trente-sept sont choisies par Botta, dont deux taureaux androcéphales ailés qui se dressent aujourd’hui dans la cour Khorsabad.
Les vestiges sont chargés sur des kéleks (grands radeaux soutenus par des centaines d’outres gonflées) qui descendent le Tigre jusqu’à Bassorah où les caisses sont déchargées et embarquées sur le Cormoran.
Arrivé au Havre en décembre 1846, le navire atteint les quais du Louvre le 30 janvier 1847, trois ans après la fin des fouilles.

Naissance du premier musée assyrien au monde

Le 1er mail 1847, le roi Louis-Philippe inaugure au Louvre le premier musée assyrien au monde, situé à l’angle nord-est de la Cour carrée.
Pour la première fois depuis 2000 ans, la civilisation assyrienne sort de l’oubli. Le succès est immédiat.
Adrien de Longpérier (1816-1882), alors conservateur des antiques et des sculptures au Louvre, se voit confier la responsabilité des collections assyriennes dont il publiera un catalogue en 1848.

« Monument de Ninive »

De son côté, l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres décide, dès 1845, d’imprimer les dessins d’Eugène Flandin. Cinq grands volumes paraissent en 1849-1850, sous le titre « Monument de Ninive découvert et décrit par M. P.-É. Botta, mesuré et dessiné par M. E. Flandin ».
Pour rappel, lorsque Botta entreprend la rédaction de cet ouvrage, l’écriture cunéiforme n’est pas encore déchiffrée ; elle le sera quelques années plus tard. Par conséquent, convaincu d’avoir découvert Ninive, il ne peut savoir qu’il vient en réalité de mettre au jour l’éphémère capitale de Sargon II, Khorsabad. D’où le titre erroné de ces volumes, néanmoins conservé.

Un travail scientifique fondateur de l’archéologie orientale

D’une grande rigueur intellectuelle, Botta a accompli à Khorsabad le travail d’un véritable homme de science, rassemblant sur le terrain toutes les données archéologiques et épigraphiques possibles, n’hésitant pas à mettre à la disposition des épigraphistes travaillant au déchiffrement du cunéiforme tous les textes qu’il avait copiés.
Au total, les fouilles de Botta à Khorsabad sont d’une importance capitale : désormais, l’Antiquité n’est plus seulement grecque, romaine ou égyptienne, elle est également orientale.
Une nouvelle discipline est née : l’assyriologie.

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