Ce vase est l’un des premiers chefs-d’oeuvre de l’art mésopotamien. Découvert à Uruk dans le quartier de l’Eanna, dédié à la déesse Inanna, il est orné d’un décor en bas-relief disposé sur trois registres horizontaux superposés.
Une représentation du monde naturel, humain et divin
Au registre inférieur, figure une évocation de la nature avec la succession, de bas en haut, d’une ligne ondulée, symbole de l’eau, d’une rangée d’épis, emblème du monde végétal et d’une frise d’ovins passants, évocation du monde animal.
Au-dessus, le registre médian est décoré d’une procession de neuf porteurs d’offrandes, représentés nus, tenant dans leurs mains divers contenants chargés de nourriture solide et de boissons.
Hommes et animaux se dirigent paisiblement vers la scène principale, représentée au registre supérieur.
Malheureusement lacunaire, celui-ci permet néanmoins de distinguer un personnage féminin vêtu d’une longue robe lisse, se tenant debout devant deux hampes bouclées ornées de banderoles, symboles de la déesse Inanna. S’agit-il de la déesse elle-même ou de l’une de ses prêtresses ?
Derrière elle figurent les nombreuses offrandes déposées dans le temple. Face à elle, se tient le chef de la délégation des porteurs, tenant dans ses mains une corbeille emplie de fruits, analogue à celles entreposées dans le sanctuaire.
Derrière lui, ne reste de la représentation originale que le petit fragment d’un personnage dont on aperçoit seulement le pied et le bas d’une longue jupe. Identifié au roi-prêtre, il est suivi d’un assistant vêtu d’une jupe courte, qui lui soutient les pans de sa ceinture.
Une iconographie majeure
Unique et inédit, le vase d’Uruk est important, à plusieurs titres.
Considéré comme le premier relief narratif de l’histoire, son décor atteste tout d’abord l’apparition dans l’art d’une véritable narration organisée en registres horizontaux superposés, selon un principe qui sera repris par les Sumériens.
Par ailleurs, son iconographie nous fournit des informations précieuses sur les pratiques cultuelles en vigueur durant la phase récente de l’époque proto-urbaine, entre 3100 et 2900 avant J.-C., connue également sous le nom de période de Djemdet-Nasr : y serait évoquée la rencontre entre le roi-prêtre, considéré comme la figure d’autorité des premières cités mésopotamiennes, et la grande déesse Inanna, tutélaire de la ville d’Uruk.
Premier témoignage attesté de la cérémonie de la hiérogamie ?
Cette scène de rencontre a été interprétée comme la plus ancienne représentation connue d’une cérémonie très importante au Proche-Orient : la cérémonie dite du « mariage sacré » ou hiérogamie (hieros gamos, « mariage sacré »).
Organisée chaque année à l’occasion de la fête du Nouvel An, cette célébration avait pour point d’orgue l’union charnelle du roi du pays avec une prostituée sacrée (hiérodule), considérée comme le substitut de la déesse Inanna.
Dans l’intimité d’une salle du temple, les deux protagonistes rejouaient ainsi l’union divine et symbolique de la déesse et de son époux, le berger Dumuzi, de laquelle était censé « jaillir le soleil », à savoir l’abondance et la prospérité du pays.
Attestée dans les textes mésopotamiens à partir de la fin du IIIe millénaire avant J.-C., cette cérémonie trouverait ainsi ses origines à l’époque de la fondation des premières cités et de la formation du pouvoir royal.
Un chef-d’oeuvre du musée national d’Iraq à Bagdad
Ce vase est l’un des chefs-d’œuvre du musée national d’Iraq à Bagdad.
Dérobé et brisé en plusieurs morceaux lors du pillage du musée en avril 2003, il est finalement retrouvé deux mois plus tard dans le coffre d’une voiture.
Restitué au musée et restauré, il y est à nouveau exposé depuis 2015.
