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Le sanctuaire de Yazılıkaya

Vue aérienne du sanctuaire rupestre de Yazılıkaya (Turquie, région d'Ankara)
XIIIesiècle av. J.-C.
Plan du sanctuaire rupestre de Yazılıkaya
La rencontre du dieu de l'Orage Teshub et de la déesse du Soleil Hepat
Sanctuaire de Yazılıkaya (Chambre A)
XIIIesiècle av. J.-C.
In situ
Relief n°81 : le roi Tudhaliya IV et son dieu protecteur Sharruma
Sanctuaire de Yazılıkaya
XIIIe siècle av. J.-C.
In situ

Découvert fortuitement par l’archéologue et architecte français Charles Texier en 1834, le sanctuaire rupestre de Yazılıkaya, (« le rocher inscrit » en turc) constitue le chef-d’oeuvre incontesté de l’art du bas-relief hittite.

Description du site

Situé à deux kilomètres de l’ancienne capitale de l’empire, Hattusa, le site se dresse en plein air sur un éperon rocheux, dans un endroit où la présence du divin se manifeste par la coexistence d’une source et d’une formation rocheuse.
Le sanctuaire est composé de deux galeries naturelles, aménagées à ciel ouvert : la Chambre A (la plus grande) et la Chambre B.
Toutes deux abritent des parois rocheuses ornées d’un ensemble unique de bas-reliefs représentant des divinités hittites et un roi, Tudhaliya IV.
Les reliefs de la Chambre A (30 m de long sur environ 10 m de large) sont numérotés de 1 à 66. A l’exception d’un seul, ils représentent tous des divinités, presque exclusivement masculines sur le côté gauche et toutes féminines sur le côté droit.
Les figures avancent en procession régulière, convergeant vers la paroi située au fond de la galerie. Point ultime de la progression, celle-ci est ornée d’une scène de rencontre entre les deux divinités principales du panthéon hittite, le dieu de l’Orage Teshub et la déesse du Soleil Hepat.
De dimensions plus réduites, la Chambre B, séparée de la Chambre A par un petit couloir, abrite les reliefs n°69 à 83, parmi lesquels figurent une représentation du roi Tudhaliya IV enlacé par son dieu protecteur, Sharruma (fils de Teshub et Hepat) et un énigmatique Dieu-Épée de plus de trois mètres de haut, divinité associée au monde funéraire et souterrain.
Le site comprend également d’autres crevasses et formations camérales. Toutes ont été explorées, mais aucune d’entre elles ne contient de reliefs.
Il est à noter qu’un ensemble de bâtiments se dressait à l’origine à l’entrée du massif rocheux, constituant à la fois une protection du sanctuaire et un passage obligé pour tous ceux qui souhaitaient y pénétrer.

Une signification et une fonction toujours débattues

Dès les premières décennies qui ont suivi la découverte du site, toutes sortes de spéculations ont été formulées sur Yazılıkaya, toutes erronées. Il convient de préciser qu’on ignorait alors que ces reliefs étaient l’œuvre des Hittites. Ainsi, les figures représentées ont été tour à tour interprétées comme des Amazones et des Paphlagoniens, des Mèdes et des Lydiens, des Scythes et des Cimmériens, ou des divinités comme Héraclès, Ba’al, Héra ou Astarté.
De fait, on ne sait toujours pas quelle fonction remplissait réellement ce site rupestre sur lequel les sources écrites hittites restent très peu claires.
Plusieurs hypothèses ont été avancées. L’une d’elles fait de la Chambre A le lieu de célébration d’une partie de la fête du Nouvel An. Une autre suppose qu’il s’agissait d’un sanctuaire huwaši. Le terme est employé assez fréquemment dans les textes cunéiformes hittites. Il fait le plus souvent référence à des stèles ou des pierres placées soit dans des temples, soit dans le paysage. Mais de fait, le mystère reste entier.
Idem pour la Chambre B, interprétée quant à elle comme un possible lieu de culte funéraire (hekur) dédié au roi Tudhaliya IV, voire comme la sépulture même de ce souverain. Mais ce ne sont là que des hypothèses.

Une datation problématique

Selon les fouilleurs du site, les origines du sanctuaire remonteraient au moins à 1500 av. J.-C., à l’époque de l’Ancien Royaume. Toutefois, sa phase d’aménagement principale date incontestablement du XIIIe siècle av. J.-C., peut-être dès le règne de Hattusili III (vers 1265-1240 av. J.-C.), à coup sûr sous celui de son successeur Tudhaliya IV (1240-1215 av. J.-C.).
Le sanctuaire est abandonné peu avant la capitale Hattuša, à la fin du XIIe siècle avant J.-C. Les bâtiments construits tombent rapidement en ruines, tout comme la Chambre B, ensevelie assez vite sous la terre charriée par les eaux de pluie. Seule la Chambre A reste ouverte. Les reliefs qu’elle abrite alimente alors une multitude de légendes locales nées du caractère singulier du lieu.

Référence bibliographique

« Gods Carved in Stone. The Hittite Rock Sanctuary of Yazılıkaya », de Jürgen Seeher, qui a succédé à Kurt Bittel puis à Peter Neve en tant que directeur des fouilles de Bogazköy entre 1994 et 2005.

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