Anatolie du Sud-Est (actuelle province de Şanlıurfa, en Turquie).
Il y a 11 000 ans.
Des populations qui n’avaient pas encore inventé l’agriculture ont construit, au sommet d’un tell artificiel qui culmine à près de 800 mètres, de vastes enceintes de pierre, sans précédents jusqu’alors, peuplées de piliers monolithes ornés de mystérieuses représentations animales.
Le site est connu sous le nom turc de Göbekli Tepe, « la colline ventrue ».
Fouillé depuis 1995, l’ensemble abrite plusieurs grandes structures ovales, semi-enterrées, au sein desquelles se dressent dix à douze piliers monumentaux en forme de T.
Ces mégalithes sont ornés d’un décor sculpté constitué exclusivement d’animaux sauvages (lions, sangliers, renards, serpents, scorpions, vautours…), agencés dans des compositions énigmatiques dont aucune n’est semblable à l’autre.
De ce répertoire figuré, l’homme est quasiment absent. Pas même un symbole féminin n’y est représenté.
Que signifient ces regroupements d’animaux ?
Etaient-ils investis d’un rôle protecteur, apotropaïque, ou reflètent-ils une association symbolique à caractère totémique ou funéraire ?
Les monolithes eux-mêmes intriguent : sur leurs côtés ont été gravés des bras dont les mains se croisent sur le devant.
Et que dire de la fonction des structures elles-mêmes ?
Servaient-elles de lieux de réunions et d’échanges à caractère civil ou formaient-elles un centre rituel régional, utilisé par les populations vivant aux alentours ? C’est l’interprétation qui prévaut aujourd’hui.
Enfin, pourquoi ces enceintes ont-elles été intentionnellement comblées et mises hors d’usage au début du IXe millénaire av. J.-C. ?
Autant de questions qui demeurent sans réponses.
La construction du site prend place à un moment charnière de l’histoire de l’humanité au cours duquel le règne plurimillénaire des chasseurs-cueilleurs a cédé la place à l’avènement des premières communautés agricoles.
Un long et lent cheminement qui s’est accompagné de l’émergence progressive d’un univers spirituel, symbolique et artistique.
S’il est encore trop tôt pour parler de véritable sentiment religieux, les hommes de Göbekli Tepe ont néanmoins tissé avec le sacré des liens évidents.
A ce jour, seules huit structures ont été fouillées. Une vingtaine d’autres demeurent ensevelies, attendant les années (les décennies) à venir pour sortir de terre et nous révéler, peut-être un jour, les mystères de nos lointains ancêtres.
Classé au patrimoine mondial de l’UNESCO en 2018, le site de Göbekli Tepe est exceptionnel, mais pas unique. Il appartient à un ensemble de sites monumentaux mis au jour dans la province de Şanlıurfa et interprétés, eux aussi, comme des sanctuaires néolithiques, à l’image de son frère voisin et quasi-jumeau, Karahan Tepe.
