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Femmes de marchands assyriens : les premières « businesswomen » de l’histoire

Vue aérienne du karum de Kanesh (Kültepe, Turquie)
Époque paléo-assyrienne (1950-1750 av. J.-C.)
Les routes du commerce assyrien en Anatolie
Source : Atlas historique du Proche-Orient ancien
© Cécile Michel et Martin Sauvage
Vestiges des maisons des marchands assyriens
Karum de Kanesh (Kültepe, Turquie)
Époque paléo-assyrienne (1950-1750 av. J.-C.)
Tablette cunéiforme de Kanesh
Époque paléo-assyrienne (1950-1750 av. J.-C.)
Metropolitan Museum of Art (New York)
© CC0 1.0

Il y a 4 000 ans, vers 1900 avant J.-C., des marchands originaires de la ville d’Assur, dans l’actuel Irak du nord, ont mis en place un réseau de routes commerciales à longue distance en direction de la Cappadoce, en Anatolie centrale.
Afin de pouvoir faire affaire fructueuse dans cette lointaine région, située à plus de 1 300 kms de leur ville d’origine, ils y ont créé une trentaine de comptoirs commerciaux, dont le plus important était le comptoir (karum) de Kanesh (actuel Kültepe).

Quel était l’objet de ce commerce ?
Les marchands d’Assur apportaient des textiles et de l’étain en Anatolie et recevaient en échange de l’or et de l’argent. Les marchandises étaient acheminées à dos d’ânes, par caravanes, à travers les steppes et les montagnes. Le voyage durait six semaines.

Ces marchands partaient souvent pour de très longues périodes. Certains décidaient même, pour les besoins de leur commerce, de s’installer en Anatolie centrale et d’y fonder un second foyer.
En l’absence de leur époux, les femmes assyriennes d’Assur se sont donc retrouvées seules à la tête de leur maisonnée.
Cette situation particulière a créé les conditions d’une étonnante émancipation féminine.
En effet, ces femmes mariées, livrées à elles-mêmes, ont su saisir les nouvelles opportunités qui s’offraient à elles pour assumer des rôles jusque-là dévolus aux hommes.
Outre les tâches de la vie quotidienne dont elles avaient la charge, elles ont développé et géré leurs propres affaires. Elles ont notamment mis à profit leur savoir-faire de tisserandes pour fabriquer des textiles (pour la plupart destinés à alimenter le commerce de leur époux), en assurer la vente au meilleur prix, investir dans des programmes d’échanges de produits, vendre et acheter des maisons, etc.
Ce faisant, elles ont progressivement acquis une grande influence au sein de leur famille, au point d’assurer, chose exceptionnelle, le culte des ancêtres (kispum).
Elles sont devenues ainsi les premières femmes d’affaires connues de l’histoire.

Ces précieux éléments d’information nous ont été révélés par la découverte, dans le karum de Kanesh, d’un ensemble de près de 22 500 tablettes cunéiformes (il s’agit d’un des plus importants corpus de textes cunéiformes du Proche-Orient ancien) comportant, entre autres, des lettres échangées entre les marchands assyriens établis à Kanesh et leur famille (notamment leur épouse) demeurée à Assur.

L’étude de ces lettres, datées pour la plupart entre 1900 et 1850 avant J.-C., a révélé qu’elles avaient été écrites, non pas par des scribes professionnels, mais par de simples hommes et femmes qui échangeaient entre eux, ce qui implique qu’une proportion sans doute importante de la population assyrienne de l’époque savait lire et écrire.

Ces pièces de correspondance, émaillées d’anecdotes très vivantes et colorées, constituent à ce jour les plus anciennes archives privées du monde ainsi que les premiers témoignages connus de l’introduction de l’écriture en Anatolie.

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